Fado Vadio
Lisbonne, Portugal
Ce soir, c’est Fado. Et pour ça, il y a un quartier à Lisbonne : Alfama.
Mais qu’est-ce que le Fado ?
C’est un chant mélancolique accompagné d’une guitare classique et d’une guitare portugaise (elle a douze cordes et sonne un peu comme une mandoline).
Le fado est né dans les quartiers mal famés de Lisbonne sous la dictature de Salazar et était un moyen d’expression populaire. Le chanteur ou fadista chantait alors l’amour, la saudade, la nostalgie, la peine, les seuls thèmes autorisés à cette époque.
On se dirige donc par là-bas et on se gare juste derrière le musée du Fado. On va ensuite jusqu’à une « maison de Fado » qui s’appelle Esquina de Alfama. De l’extérieur, ça ressemble à un petit resto comme tant d’autres.
Petit détail quand même, les ampoules rouges un peu partout dans la pièce. Ici, ce n’est pas pour annoncer les prostituées en vitrine, c’est un des symboles de ces maisons.
Une fois installés, on commande, on fait tout comme dans un resto normal, mais toutes les quinze-vingt minutes, la lumière se tamise et laisse place une ambiance rougeoyante, plus feutrée. Deux hommes attrapent les guitares accrochées au mur et commencent à jouer.
Enfin, la serveuse se joint à eux et chante son fado. Car, oui, ici ce sont les gens de la salle qui font le spectacle, contrairement aux dîners-spectacles dont on voit les affiches un peu partout. C’est le fado vadio.
Pour le fado classique, mieux vaut se rendre au Bairro Alto mais accompagné de connaisseurs car la plupart des maisons sont malheureusement devenues des attrappe-touristes sans grand intérêt et qui feront mal à votre porte-monnaie.
Après deux morceaux, c’est le serveur qui prend le relais (un sosie de @misteryo, qui a déjà sorti un album quand même), avant de laisser place à la patronne, qui leur renvoie la balle de temps en temps pendant son tour de chant.
Ça dure une dizaine de minutes, les gens applaudissent, la lumière revient et tu peux continuer à manger tes trois kilos de riz aux fruits de mer.
Un quart d’heure plus tard rebelote, mais c’est un autre serveur qui ouvre le bal cette fois.
On aura droit à une dernière session juste avant le dessert, privée puisque les autres clients ont déserté la salle ; muito fixe.
On s’apprête à partir, en se disant qu’on a déjà été bien gâtés, mais la lumière décline une nouvelle fois. C’est la session ultime, un peu comme le bouquet final d’un feu d’artifice.
Là, les paroles ressemblent plutôt à de l’improvisation sur lesquelles chaque fadista rebondit. C’est une battle à quatre qui se joue devant nous. Un des guitaristes et un client (?) s’incrusteront même entre deux tours de chant. C’est ce que les portugais appellent une desgarrada.
Je ne maîtrise malheureusement pas la langue, mais mes trois acolytes lusophones ont bien rigolé pendant ce dernier morceau, preuve que le fado n’est pas uniquement une musique de dépressifs.
Expérience très plaisante et chaudement recommandée si vous dinez dans le quartier.
Vous pourrez ensuite aller prendre un dernier verre au Chapitô, sous le Castelo de São Jorge, une institution lisboète qui offre un cadre superbe et un panoramique splendide sur la ville.